1.1.10

What is your life made of ?

Aimer sentimentalement ne fait pas vraiment partie de mon vocabulaire. Je ne prends habituellement pas de nouvelles de mes proches, n'offre pas de cadeau, ne souhaite à peu près rien à personne.
Si j'aimais des personnes au sens affectif du terme, j'imagine que je ferais ces choses.

Le changement d'année a le chic pour me rendre acariâtre. Au moins cette année n'ai-je pas eu droit au voisin hurlant à pleins poumons sur le palier entre 0h00 et 0h10. Il a déménagé depuis. Anecdote mise à part je supprime aussi vite que possible tous les sms et mails de vœux. Je veux me couper de cette niaiserie intersidérale, y penser le moins possible et rapidement la faire appartenir au passé. Un message m'a demandé ce que j'avais prévu en ce premier jour de l'année, "j'ai prévu qu'on me fiche la paix". Il y a quelques jours c'était une question orale un peu naïve "tu n'aimes pas Noël ?", "Non". Grâce à un contexte favorable c'est la première année que je réussis à faire tomber le nombre de repas dits de famille à zéro, et c'est heureux. Avoir attendu autant d'années avant d'y parvenir est un peu désespérant.

De plus cette période me rappelle forcément celle précédant l'année de mes 20 ans et où le suicide était la priorité absolue. Pas assez absolue il faut croire. Même si j'avais de toute façon déjà horreur de la période des fêtes bien avant cela. C'est juste une connotation supplémentaire.

Je voulais écrire sur le chaos total régnant dans mon appartement et dans ma gestion globale des choses quotidiennes. Chose qui a encore plus été mise en abîme lorsque je suis tombé malade quelques jours. C'est difficile à décrire. Quand je regarde autour de moi je trouve juste cela normal, et ce qui est normal ne mérite pas d'être décrit. Sauf que le fait que je trouve cela normal signifie tout sauf que ça l'est.
Le désordre est permanent et total. Lorsqu'il arrive que je décide de ranger, le terme n'est pas exact, en fait je fais juste de la place pour pouvoir marcher et me déplacer de manière pas trop incommodante. L'ensemble est relativement poussiéreux. Luxe de célibataire s'empressera de déclamer la société. Mais je ne vois pas exactement ce qui est reproché à la poussière, c'est un élément peu nocif, calme et facile à faire disparaître au besoin. Le nombre de personnes qui ne supportent pas d'une part le désordre, et d'autre part la poussière, me fait froid dans le dos. N'y a-t-il pas plus utile à faire que de mener des luttes permanentes contre ces deux éléments inoffensifs ?

L'inertie est à n'en pas douter le mot le plus adapté à ma gestion des choses matérielles et administratives. Mon alimentation est très limitée et peu variée. Ma garde-robe évolue environ à la vitesse moyenne de l'érosion des falaises par la mer. Je n'ai acheté aucun meuble à ce jour. Tout comme je n'ai jamais acheté aucun CD ou DVD d'ailleurs (non, je ne pirate pas non plus), parmi des dizaines d'autres exemples similaires. Je relève mon courrier une à trois fois par mois environ, ce qui me vaut parfois quelques mauvaises surprises, certes, mais rien de grave jusque là. Je consulte mes comptes et pose les chèques à encaisser qui s'empilent à une fréquence similaire, un peu moins peut-être. Luxe de personne gagnant bien sa vie s'empressera de supposer le quidam. On ne peut pas dire non, mais luxe de personne qui n'achète jamais rien, ça oui.

La valeur que j'accorde à ce qui est matériel, ménager, administratif, financier, est à peu près nulle, ou au minimum que je puisse la situer. Finalement je n'accorde de l'importance qu'à certaines choses abstraites, un ou deux jeux d'une richesse infinie, certaines valeurs et une poignée d'idéaux; je crois. Noyé (volontairement) dans le chaos précédemment décrit, je passe le plus clair de mon temps libre dans un monde abstrait, à étudier des stratégies échiquéennes, préparer des cours correspondants, et pour lutter contre l'effet de lassitude à essayer - en résumé - de m'approcher du niveau de l'ordinateur au scrabble. Somme - réduite - de choses dont le commun des mortels ne peut se figurer quelle espèce d'intérêt cela peut avoir. Dans l'absolu il faut bien avouer que ça n'en a pas tellement, mais en pratique c'est ce qui compose et porte mon existence toute entière.

Le jeu d'échecs est sûrement le jeu auquel il est accordé le plus grand respect. Mais qui veut entendre parler de s'y pencher sérieusement ? Et quel est l'avenir d'un jeu intellectuel, fusse-t-il le plus respecté d'entre eux, dans le monde dans lequel nous vivons ?
Tout le monde connaît le scrabble mais étant donné que c'est le loisir familial par excellence, qui veut entendre parler de s'y pencher sérieusement ?

Prenons cela. Prenons ce qui a essayé d'être décrit plus haut, notamment quant à ma façon de vivre. Et maintenant je peux reposer la question : suis-je seulement différent comme dans la phrase "Nous sommes tous différents" ?